Le soja : sans risque pour les enfants
Le soja est un aliment relativement récent dans l’alimentation occidentale. Les premiers produits à base de soja apparaissent en Europe au début du XXe siècle. Cependant, ils sont consommés en Asie depuis des millénaires, sans que les études épidémiologiques n’aient observé d’effets nocifs. Par ailleurs, le soja n’est absolument pas indispensable à la nutrition des végétarien·ne·s, mais ce sont eux qui en consomment le plus en occident. Il s’agit en effet d’une source intéressante de protéines et de fibres, qui est également pauvre en acides gras saturés.
Les isoflavones, des molécules mal considérées
Beaucoup d’aliments contiennent des isoflavones, mais c’est le soja qui en contient le plus. Les isoflavones sont autrement appelés « phyto-œstrogènes », car ces molécules ont une structure proche des œstrogènes humaines tout en appartenant à une autre famille chimique. Les œstrogènes et les isoflavones ont par conséquent des effets différents sur l’organisme. Des recherches menées sur des rats ou dans des tubes à essai ont suscité des inquiétudes concernant l’effet de ces isoflavones sur le développement des enfants. Cependant, les résultats de ces recherches ne sont pas transposables aux êtres humains. En effet, à cause de voies métaboliques différentes, l’action des isoflavones n’est pas comparable entre les rats et les humains. Parfois, les doses d’isoflavones observées étaient très au-dessus d’une consommation physiologique. Ces études ont nécessité d’observer plus attentivement ce qui se passait chez les humains et notamment les enfants.
L’innocuité du soja démontrée
Depuis, de nombreuses études sont venues nous rassurer sur la consommation du soja tant sur le développement psychomoteur des enfants que sur le bon développement des organes génitaux. Pour qu’une étude puisse nous renseigner sur l’action du soja elle doit porter sur des humains, avoir suffisamment de participant.e.s et considérer une dose d’isoflavone conforme à une consommation habituelle. Ce sont sur ces critères que les études ont été choisies pour ce document. La validation de ces données se répètent dans le temps au fil des études. Une étude au début des années 2000 fait le point sur les différentes oppositions sur le soja pour faire un état des lieux des connaissances et des points à élucider.
« Les allégations d’effets indésirables importants peuvent induire en erreur une grande partie de la population, les empêchant d’accéder à un type utile de produit d’alimentation pour nourrissons. Il est important d’avoir une évaluation précise de tous les risques liés à l’exposition à la préparation à base de soja et notre étude n’a révélé aucune cause d’inquiétude systématique. »
« L’exposition aux préparations à base de soja ne semble pas entraîner de problèmes de santé générale ou de reproduction différents de ceux liés à l’exposition aux préparations lactées. Bien que les quelques résultats positifs méritent d’être explorés lors d’études futures, nos résultats sont rassurants quant à la sécurité des préparations à base de soja pour nourrissons »
- Strom BL, Schinnar R, Ziegler EE, et al., “Exposure to Soy-Based Formula in Infancy and Endocrinological and Reproductive Outcomes in Young Adulthood”. JAMA. 2001 ; 286(7):807– 814. doi:10.1001/jama.286.7.807
Ensuite les études se succèdent pour nous permettre de voir plus clair sur le soja consommé par les enfants.
« Les données disponibles sur les populations d’adultes humains et de nourrissons indiquent que les isoflavones alimentaires contenues dans les préparations pour nourrissons à base de soja n’ont pas d’incidence négative sur la croissance, le développement ou la reproduction humaine. »
- Merritt J. R., Jenks H. B., “Safety of Soy-Based Infant Formulas Containing Isoflavones : The Clinical Evidence”, The Journal of Nutrition, volume 134, Issue 5, 1 May 2004, pages 1220S–1224S, https://doi.org/10.1093/jn/134.5.1220S
« Cette étude unique a montré que tous les scores des tests de développement se situaient dans les limites de la normale et que les groupes nourris avec une préparation à base de lait de vache ou de protéine de soja ne différaient pas de manière significative. En outre, cette étude a démontré un léger avantage des enfants allaités sur le développement cognitif par rapport aux enfants nourris au lait maternisé. »
- Aline Andres, Mario A. Cleves, Jayne B. Bellando, R. T. Pivik, Patrick H. Casey and Thomas M. Badger, “Developmental Status of 1‑Year-Old Infants Fed Breast Milk, Cow’s Milk Formula, or Soy Formula”. 2012;129;1134, Pediatrics. doi : 10.1542/peds.2011–3121
« La croissance, la santé osseuse et les fonctions métaboliques, reproductives, endocriniennes, immunitaires et neurologiques sont similaires à ceux observés chez les enfants nourris avec du lait maternel ou des préparations à base de lait de vache »
- Vandenplas, Y. et al. (2014). “Safety of soya-based infant formulas in children”. British Journal of Nutrition, 111(8), 1340–1360. doi:10.1017/S0007114513003942
“Une augmentation de la consommation de soja chez des adolescentes américaines n’a pas montré d’impact sur l’âge des premières règles.”
- Segovia-Siapco G, Pribis P, Messina M, Oda K, Sabaté J., “Is soy intake related to age at onset of menarche ? A cross-sectional study among adolescents with a wide range of soy food consumption”. Nutrition Journal. 2014;13:54. Published 2014 Jun 3. doi:10.1186/1475–2891-13–54
Positions des organismes de santé nationaux
Ces études, et d’autres, ont amené plusieurs organismes de santé à se positionner (liste non-exhaustive) sur la consommation du soja par les enfants au vu des études effectuées
- Société canadienne de pédiatrie : www.cps.ca/fr/documents/position/utilisation-preparations-a-base-de-soja
“L’allaitement demeure l’aliment de choix pour le nourrisson. En raison de données tirées d’études sur des animaux et in vitro, on s’inquiète du contenu en phytœstrogènes des préparations à base de soja et des risques potentiels que courent les nourrissons dont l’unique source de nutrition provient de ces préparations. Cependant, d’après les études disponibles sur les humains, il est démontré que les préparations à base de soja utilisées comme unique source d’alimentation des nourrissons n’entraînent aucun dommage manifeste.”
- L’académie de pédiatrie américaine : pediatrics.aappublications.org/content/pediatrics/121/5/1062.full.pdf
“Chez les nourrissons nés à terme, bien que des préparations isolées à base de protéines de soja puissent être utilisées pour fournir une nutrition permettant une croissance et un développement normaux, même si il y a peu d’indication à les utiliser.”
- L’association des diététiciens du Royaume-Uni : www.bda.uk.com/foodfacts/soya_and_health.pdf
“L’innocuité du soja a été minutieusement examinée et son utilisation est autorisée au Royaume-Uni en vertu de la loi sur la sécurité alimentaire.”
Pour conclure
La longue expérience concernant la consommation de soja dans des pays comme la Chine, le Japon et la Corée nous montre que le soja n’est pas un aliment dangereux. Cet aliment relativement récent dans la nutrition occidentale a soulevé des inquiétudes vis-à-vis desquelles les études sur l’espèce humaine ne cessent de nous rassurer. Il a toute sa place dans la diversité de notre alimentation et cela dès la petite enfance. En effet, dans un contexte où il devient urgent de diminuer la consommation de protéine d’origine animale (santé, environnement…), le soja représente une source de protéines végétales intéressante, riche en fibres et pauvre en acides gras saturés.